Les « intentions d’autrui »

Fort de ces principes, on ne fondera plus ses décisions sur ce que pense autrui, en cherchant, par exemple, à prévenir ses désirs, à anticiper ses reproches, ou en voulant se faire pardonner de lui une faute qu’il ne songe même pas à nous imputer. Car ce que « pense autrui », c’est, en vérité, ce qu’on pense que pense autrui.

Marc Aurèle, gravure par Auguste-Jean-Baptiste Blanchard (1792), Musée Charles VII à Moulin-sur-Yèvre, photo © Susana Pereira Tavares

En se reconnaissant ainsi comme étant, la plupart du temps, les auteur.e.s des « intentions » d’autrui — à plus forte raison : de ses « mobiles secrets » —, on rejoindra, quoique par l’autre bout, la doctrine des anciens stoïciens, et leur diatribe contre la gloire. Songe, se disait Marc Aurèle, à tout ce que tu « négliges en cherchant à te faire une idée de ce que fait tel ou tel, du but qu’il se propose, de ce qu’il dit, de ce qu’il pense, de ce qu’il combine et de toutes les autres préoccupations de ce genre ». Du juste au contraire, on peut déclarer que « jamais, hormis une nécessité impérieuse et d’intérêt commun, il ne cherche à se faire une idée de ce qu’un autre dit, fait ou pense » (Marc Aurèle, Pensées pour moi-même [Dialogues avec moi-même], III, 4, trad. Mario Meunier).