Théorie de l’ambivalence (suite)

Celles et ceux qui aspirent au repos (au « home »), à l’ordre ou à la certitude ne sont pas absolument à blâmer. La seule question qui vaille est en effet : à quoi leur servent cette claustration, cette uniformité de la vie, cette assurance dans le savoir ? Si c’est à fuir les attaches, les métamorphoses ou les énigmes, alors on peut comprendre la réprobation qu’inspire leur comportement. Mais l’immobilité est, pour certaines personnes (quoique non pas pour toutes), le prix de leur mise en mouvement à l’instant propice, la répétition, le prix de leurs créations, et la conviction, le prix de leurs doutes. Il est, nous disait Nietzsche, un ascétisme de prêtre, mais il est aussi un ascétisme de philosophe ou d’artiste. N’écoutez qu’Apollon, vous célébrerez le militarisme spartiate ; suivez Dionysos seul, il vous conviera à quelque sacée babylonienne, où tourne la coupe de ce « breuvage des sorcières », mélange de cruauté et de volupté, que seuls parvinrent à absorber, depuis trois siècles, Sade et Pasolini. Ce qui est peu.