Sur la définition de la philosophie, tout de même

Faut-il pour autant interrompre tout effort pour définir la philosophie ? La possibilité qu’ils soient condamnés à l’avance, les rend-ils vains ? Gageons d’une part que, si les penseur.e.s étaient parvenu.e.s à s’entendre une bonne fois sur la définition de la philosophie, alors — conséquence valant à vrai dire de peu d’autres savoirs — la plupart des questions qu’elle pose seraient déjà résolues.

Sans doute peut-on faire fonds sur l’existence de questions propres à la philosophie. Qu’il existe de telles questions (non exemptes d’ailleurs de renouvellements constants), c’est à vrai dire ce qu’on perçoit, bien au-delà du champ des spécialistes de la philosophie, face à des énoncés tels que « le temps n’existe pas », « la mort est une partie de la vie », « l’homme n’est pas libre », ou encore « il revient à chacun de déterminer le sens de son existence ». Une formulation inadéquate par son contenu, mais juste par le point touché, consiste à dire que philosopher, c’est « se poser des questions qu’on ne se pose pas tous les jours ».  Car il faut une rencontre, une circonstance, une conjoncture, plaçant en affinité ou en conflit des aspirations humaines diverses, pour que seulement l’on philosophe.

Mais le « philosophique », c’est aussi, les historien.ne.s le savent, une certaine dimension des grandes questions morales et politiques qui se sont posées à l’humanité au cours de son évolution : l’abolition de la peine de mort depuis le XVIIIe siècle, la séparation des Églises et des États depuis le XIXe, engagèrent à chaque fois des « convictions philosophiques », par quoi il faut entendre exactement des conceptions personnelles du monde dans son ensemble.

Voilà pourquoi, tout bien considéré, il serait malavisé de renoncer, sinon à définir, du moins à caractériser, la philosophie, et, au motif certes valable qu’elle est aussi une réflexion vouée à s’exercer sur toute matière, de l’écarter de ce domaine d’investigation qu’elle a en partage de nos jours.