Politique et mélancolie. Résultats

De cette analyse de la mélancolie et du pessimisme ne résulte pas — comment suffirait-elle à en fournir ? — de préconisations quant au comportement à adopter face aux périls sociaux, écologiques et démocratiques d’aujourd’hui et de demain. Il y faudrait aussi l’apport des climatologues, des sociologues, des politistes, des géographes, des anthropologues, des historien.ne.s, ainsi que des linguistes, des psychiatres, des océanologues, des littéraires, des physicien.ne.s, des artistes et des géologues notamment.

Mais il en découle, tel est du moins l’objectif que nous nous étions fixé, un certain nombre de critères permettant de distinguer, dans les discours de la résignation, du renoncement et du désespoir, ce qui relève de l’argumentation, et ce qui dérive, par une voie que nous ne prétendions d’ailleurs pas à déterminer, de l’affection mélancolique (l’avenir est plat, l’avenir est clos, et « à quoi bon ? »). À cette seule condition devenait-il envisageable de convenir, en pleine connaissance de cause, de l’imminence de catastrophes possibles, probables et même inévitables, et cependant de conserver la résolution nécessaire à l’action, notamment politique.

On sera circonspect envers tous les discours de la répétition : la crise de 2008 comme répétition de celle de 1929, la montée des démagogies d’extrême droite depuis 2010 comme pur et simple recommencement de l’essor du fascisme durant les années 1930, etc. Du reste, de quoi le dérèglement climatique serait-il la réitération ? Des grandes peurs millénaristes ? Mais il y a dérèglement climatique, et il ne se réduit pas à une « crainte » du dérèglement climatique ! Des réchauffements qui faisaient suite aux grandes glaciations du pléistocène ? Mais le dérèglement climatique actuel est d’origine humaine !

Mais on se méfiera, symétriquement, de ceux qui se contentent d’une croyance simplement formelle à l’imprévisibilité de l’avenir, et qui, rappelant comment l’humanité a su, jusqu’à présent, trouver des issues aux situations les plus désespérées (les grandes pestes du Moyen âge par exemple), en infèrent que, la science, la technique et la « géo-ingénierie » aidant, il en ira toujours de même (Steven Pinker).

On prêtera peu l’oreille, enfin, aux discours anxiogènes, culpabilisateurs et tétanisants, de ceux pour qui notre urgence est si pressante, qu’elle exclut toute riposte démocratique et collective ; mais on ne sera pas moins inconciliant envers ceux — parfois les mêmes — qui, pensant que la fin est proche mais se gardant de le déclarer, la précipitent avec cynisme, en se hâtant de jouir des derniers restes.