Vivre au brouillon


N’est-il pas vrai que nous commençons tou.te.s par vivre au brouillon, avant de nous mettre « un jour », qui sait ?, à rédiger au propre ? Et pourtant, en définitive, c’est toujours ce brouillon, avec ses hésitations, ses abréviations à usage personnel mais aussi ses trouvailles heureuses, qui aura été notre vie. Car il n’y aura pas d’autre vie, et aucune ne sera, à celle-ci, ce que le tableau achevé — l’est-il d’ailleurs jamais ? — est aux études préparatoires, ou ce que le livre publié — toujours trop tôt — est au manuscrit bigarré. « Ne pas remettre l’existence à plus tard », enjoignait Georges Bataille. Cette mise en garde, qu’il érigeait en principe d’existence, pourrait s’appeler « principe de l’immanence temporelle ». Peut-être le véritable sens de l’immanence, loin de toute métaphore, est-il à lire ici : la coïncidence avec soi-même, pour autant qu’une telle chose soit possible, est temporelle.